La terrine des mal-aimées
par François Lapointe, de Gourmets de Nature
Texte et photos : François Lapointe de Gourmets de Nature
J’ai commencé à partager du contenu en lien avec la cuisine de gibier depuis déjà quelque temps. Ma motivation initiale avait un but clair : sensibiliser les chasseurs à maximiser la consommation de leurs prises. Quand j’étais petit, il était naturel à la maison d’avoir des cœurs et des gésiers aux repas chaque fois que mon père revenait d’une belle chasse aux oies. Plus tard, quand j’ai commencé à chasser la sauvagine à mon tour et à développer un bon cercle d’amis ayant cette passion en commun, j’ai réalisé qu’il y avait un manque à gagner. Bien que les poitrines soient bonnes, je ne comprenais pas que d’autres chasseurs pouvaient laisser les cuisses, cœurs, gésiers et foies pour les sites d’appâtage de trappeur. C’est de là que m’est venue l’idée d’encourager la consommation de ces parties.
Vous aurez probablement compris que si j’ai appelé ma recette « La terrine des mal-aimées » ce n’était pas en l’honneur de la chanson d’un certain Pierre avec qui je partage mon nom de famille, mais bien pour parler des pièces mal-aimées : les abats. Que ce soit avec les gros gibiers et encore plus vrai avec les petits gibiers, les abats sont de loin les pièces de viande les moins populaires et pourtant, bien apprêtées, elles sont parmi les meilleures (et je n’exagère pas ici !). À mon avis, les deux façons les plus accessibles pour initier quelqu’un aux abats de petits gibiers sont le dirty rice et les terrines de ce genre. Dans les deux cas, j’ai été inspiré il y a longtemps par Hank Shaw, un cuisinier de gibier américain que j’admire particulièrement pour son intérêt à mieux consommer ce que l’on récolte, une valeur que j’ai en commun avec lui.
Dans cette recette, je fais honneur aux lagopèdes des saules chassés lors de mon dernier voyage au pays de la perdrix blanche en janvier 2024. Vous pouvez toutefois prendre des abats de n’importe quel autre gibier, moyennant une préparation adéquate et la patience pour couper le tout en petits morceaux. La recette inclut également du chevreuil qui pourrait facilement être remplacé par de l’orignal ou encore du veau ou du porc. Étant donné les températures de cuisson requises, je ne recommande pas l’utilisation de la viande d’ours pour cette recette. Le gras de porc quant à lui est obligatoire.
Avant de vous lancer, gardez en tête que la préparation d’une terrine peut être un sérieux projet, mais tellement satisfaisant lorsque bien réussie. Je vous suggère d’avoir un petit extra de chaque ingrédient afin d’ajuster, à votre façon, le goût et la consistance de votre mélange à terrine. La partie la plus importante de la recette est, à mon avis, d’avoir le bon ratio de sel et de poivre ainsi que la bonne quantité de liquides (spiritueux, crème, lait, etc.). Selon la grosseur de votre moule, ce mélange peut facilement vous donner deux terrines. Pour cette recette, j’ai utilisé un moule à pain conventionnel.
En conclusion, la recette peut relativement bien se faire à la main, mais l’usage d’un moulin à viande et d’un batteur sur socle facilite grandement la préparation. L’utilisation d’une balance de cuisine ainsi qu’un thermomètre est nécessaire.
Bon appétit !
Préparation : 30 à 45 minutes
Temps de salaison : 90 à 120 minutes
Temps de cuisson : idéalement 24 heures
Niveau de difficulté : modéré
Portions : 12 à 15 portions
Ingrédients
- 150 ml de lait
- 150 ml de crème de cuisson 35 %
- La mie de 4 tranches de pain blanc
- Une échalote française
- 1 tasse de raisins de Corinthe
- 1/2 tasse de brandy (le whisky ou le rhum peuvent être intéressants également)
- Environ 280 g de lard
- Environ 425 g de chevreuil (ou autre gibier haché)
- Environ 900 g d’abats divers d’oiseaux
- Environ 300 g de cœurs
- Environ 300 g de gésiers
- Environ 300 g de foies
- Environ 24 g de gros sel casher
- 30 de grains de poivre noir finement moulus
- 2 œufs
- 1 tasse de pistaches non salées, écaillées (ou selon vos goûts)
- 50 ml de sirop d’érable
- Suffisamment de tranches de bacon pour recouvrir votre moule à terrine
Matériel nécessaire :
- Batteur sur socle (optionnel)
- Moulin à viande (optionnel)
- Moule à terrine ou moule à pain
- Pellicule de plastique (Saran Wrap)
Préparation
- La vraie première étape est sans aucun doute de bien lire la recette au complet pour s’assurer d’avoir tout le matériel nécessaire.
- Mélanger le lait, la crème, la mie de pain et l'échalote jusqu’à l’obtention d’un liquide homogène. Réserver.
- Dans un bol (idéalement compatible avec un batteur sur socle), déposer les raisins de Corinthe et le brandy. Laisser reposer.
- À l’aide du moulin à viande, hacher la moitié des abats et toute autre viande qui n’est pas préalablement hachée (lard, chevreuil, etc.).
Le mélange :
- Dans un bol, à l’aide d’un batteur sur socle, mélanger cette viande jusqu’à l’obtention d’un mélange ayant une texture se rapprochant d’un mélange de chair à saucisse.
- À basse intensité, ajouter les raisins de Corinthe, le brandy, deux œufs et le sirop d’érable. Ensuite, verser graduellement le mélange lait-pain-échalote en vous assurant que le mélange ne soit pas trop liquide. Vous n’êtes pas obligé d’utiliser tout le liquide.
- Couper en petits morceaux de diverses grosseurs l’autre moitié des abats. Je vous conseille des morceaux suffisamment petits pour vous permettre de bien couper la terrine pour le service. Mélanger le tout ensemble.
- Saler et poivrer le mélange.
- Finaliser le mélange en y ajoutant les pistaches.
- Dans une poêle huilée, déposer quelques cuillères du mélange et cuire. Goûter et ajuster le sel, le poivre et le sirop d’érable à votre goût. Si le mélange est parfait, vous êtes prêt à passer à la mise en moule.
La mise en moule :
- Préchauffer le four à une température de 225 °F/100°. Prenez un récipient allant au four, assez grand pour accueillir votre moule à terrine. Personnellement, je prends ma rôtissoire à dinde. Assurez-vous de mettre suffisamment d’eau pour que celle-ci atteigne minimalement le 2⁄3 de la hauteur du moule, sans toutefois le submerger !
- Couvrir le moule en entier d’une pellicule plastique (Saran wrap). Cette étape est cruciale pour démouler la terrine sans l’endommager.
- Barder votre moule de tranches de bacon. Alterner les tranches de sorte à pouvoir bien recouvrir la terrine une fois remplie.
- Déposer le mélange à terrine de façon compacte, en évitant de laisser des bulles d’air. Conserver le restant du mélange à terrine pour une deuxième terrine.
- Envelopper la terrine avec les tranches de bacon et recouvrir avec l’excédent de pellicule de plastique.
- Déposer le moule dans le récipient puis placer le tout au four. Suivez la température une fois de temps en temps jusqu’à l’atteinte d’une température de 145° F/63 °C.
- Une fois la température atteinte, retirer attentivement le moule en portant attention à conserver les liquides de cuisson dans le moule à terrine. À l’aide d’un carton (une planche à découper ou autre), déposer du poids sur la terrine afin que le dessus de celle-ci s'aplatisse lentement.
- Placer le tout au frigo pour 24 h afin de laisser la terrine figée.
- Le lendemain, retirer le poids et le matériel recouvrant la terrine (sauf le bacon !), puis trancher celle-ci. La terrine se conserve bien quelques jours au réfrigérateur et peut très bien se congeler, une fois bien emballée.
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