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Modernisation du régime forestier - Projet de loi no 97

Modernisation du régime forestier - Projet de loi no 97

Modernisation du régime forestier - Projet de loi no 97

Le projet de loi en résumé

La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Mme Maïté Blanchette Vézina, a présenté le 23 avril 2025, le projet de loi no 97 visant principalement à moderniser le régime forestier. Ce projet de loi introduit une nouvelle perspective de l’exploitation de la matière ligneuse des forêts du Québec, notamment basée sur un zonage du territoire forestier public qui permet de faire varier les modalités d’aménagement en fonction de ces zones.

 

Le projet inquiète grandement la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FédéCP) comme il confère trop de pouvoir à l’industrie forestière, sans réflexion pour une gestion faunique durable et les multiples usagers.

 

Résultant de consultations hermétiques excluant plusieurs utilisateurs de la forêt, dont les acteurs fauniques, ce projet de loi introduit de nouvelles mesures de zonage et de gestion forestière qui soulèvent des préoccupations importantes pour les chasseurs et pêcheurs qui fréquentent le territoire forestier.

 

Que faut-il savoir ?

L’élément distinctif de ce projet de loi est la mise en place d'un zonage délimitant le territoire forestier public en trois :

 

Zones d’aménagement forestier prioritaires (ZAFP) :

Ces zones sont conçues pour assurer la priorité à l’approvisionnement des usines de transformation du bois. Ainsi, le projet de loi prévoit que « dans les zones d’aménagement forestier prioritaire, la réalisation de certaines activités ayant pour effet de restreindre la réalisation des activités d’aménagement forestier ainsi que la mise en œuvre de mesures de conservation du territoire sont interdites ».

 

Zones de conservation :

Ces zones englobent les aires déjà protégées ou à valeur écologique (ex. parcs nationaux, écosystèmes exceptionnels, refuges biologiques, réserves de biodiversité) inscrites aux registres officiels. Aucune activité forestière industrielle n’est censée s’y dérouler.

 

Zones multiusages :

 Ces zones constituent les portions du territoire public où coexistent divers usages – exploitation forestière modérée, activités fauniques, récréotourisme, acériculture et autres – avec une nécessaire conciliation entre ces usages. Le projet de loi 97 prévoit que dans les zones multiusages, les titulaires de droits forestiers devront élaborer des programmations quinquennales incluant « les mesures d’harmonisation des usages applicables », à la suite de consultations publiques régionales.

 

En somme, le tiers des forêts publiques sera dorénavant dédié à la production de bois, sans égard à leurs fonctions écologiques, à leur important rôle d’habitats fauniques ou encore aux services écologiques qu’elles rendent aux citoyens, en particulier aux villégiateurs qui y retrouvent actuellement un milieu de vie.

 

Cette confiscation d’une partie de notre patrimoine collectif pour l’offrir aux multinationales forestières aura des effets extrêmement importants sur la chasse, mais aussi sur la pêche, les effets de la dégradation des plans et cours d’eau à la suite d’opérations forestières mal exécutées étant bien connues.

 

Enjeux concernant les chasseurs et/ou pêcheurs

La Fédération anticipe plusieurs impacts négatifs de ce projet de loi sur les activités fauniques au Québec. En s’appuyant sur le contenu du projet de loi officiel et sur les conclusions du rapport de synthèse des consultations publiques menées en 2024 auprès de 500 intervenants des milieux forestiers, fauniques et municipaux lors de Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt (TRAF), voici nos plus grandes préoccupations :

 

  • Dégradation des habitats fauniques et déserts de biodiversité
  • Exclusion des utilisateurs fauniques du processus de gestion des forêts publiques
  • L’accès au territoire à la merci d’intérêts industriels

 

Dégradation des habitats fauniques

Les activités de chasse et de pêche dépendent intimement de la santé des populations animales et de la qualité des habitats naturels. Or, celles-ci seront lourdement impactées par le nouveau régime forestier qui intensifiera l’exploitation forestière au détriment des habitats fauniques.

 

Dans les zones classées d’aménagement forestier prioritaire (ZAFP) , l’objectif avoué est de favoriser la production de bois avant tout. Le projet de loi interdit explicitement d’y mettre en œuvre des mesures de conservation du territoire qui restreindraient les activités forestières, faisant fi de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Cette approche crée un conflit direct entre les deux cadres législatifs, fragilisant ainsi la cohérence de la gestion durable du territoire et mettant en péril la préservation des écosystèmes fauniques.

 

Autrement dit, ces secteurs ne pourront pas bénéficier de nouvelles aires protégées, de réserves de biodiversité ou même de mesures temporaires de sauvegarde de la faune si celles-ci contraignent l’exploitation du bois.

 

Par exemple, si des études scientifiques identifient une zone de reproduction critique pour le caribou forestier à l’intérieur d’une zone prioritaire, il serait impossible d’y restreindre les coupes pour protéger cette espèce menacée – à moins de reclasser la zone, ce qui s’annonce complexe une fois les limites établies. De même, si une ZEC ou une pourvoirie souhaitait préserver un îlot de vieilles forêts comme refuge pour la faune, elle ne le pourrait pas dans une zone prioritaire, car cela irait à l’encontre des visées d’aménagement intensif.

 

Ensuite, l’extension de 5 à 10 ans de la période de validité des droits forestiers et l’espacement des révisions des possibilités forestières pourraient mener à une exploitation plus soutenue des forêts sans réévaluation fréquente des impacts. Avec une planification des coupes s’étalant sur une décennie, le risque est d’épuiser localement la ressource forestière ou de négliger les signes avant-coureurs de déclin faunique. Lors des consultations des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt (TRAF), des intervenants ont souligné l’importance d’une planification à long terme qui évalue les effets de l’aménagement forestier sur la biodiversité et réduit les risques de perturbation des habitats fauniques​. Il faudrait pour cela des mécanismes de suivi écologique robustes et la souplesse de modifier les plans en cas de problème. Or, l’accent du projet de loi semble davantage miser sur la stabilité des approvisionnements en bois que sur l’adaptabilité écologique.

 

Également, les habitats fauniques – qu’il s’agisse des aires de reproduction, d’alimentation ou de refuge – risquent donc de subir une pression accrue. Déjà aujourd’hui, les chasseurs de certaines régions observent des changements alarmants dans la faune attribuables aux pratiques forestières. Par exemple, l’orignal peut proliférer quelques années après une coupe forestière (grâce à l’abondance de repousses alimentaires), mais il lui faut à terme des couverts forestiers matures pour l’hiver et pour échapper aux fortes chaleurs estivales. Une exploitation plus intensive sans zones de quiétude pourrait donc aboutir à des populations d’orignaux plus instables et à l’absence de retour du caribou dans des habitats pourtant aptes à le soutenir si on les laissait vieillir.

 

Plusieurs participants aux consultations ont appelé à mieux protéger et restaurer les habitats fauniques d’intérêt, de même qu’à appliquer des mesures adéquates de protection des lacs et des cours d’eau​.

 

En effet, les milieux aquatiques sont eux aussi touchés : des coupes trop rapprochées des berges, le passage de machinerie dans les ruisseaux ou la multiplication des chemins peuvent entraîner de l’érosion, des sédiments dans les frayères à poissons et une augmentation de la température de l’eau, au détriment des espèces aquatiques.

 

Bien que des normes environnementales existent (bandes riveraines de protection, etc.), leur suivi et leur renforcement pourraient être relâchés si la priorité donnée à la récolte de bois l’emporte sur les autres considérations.

 

Pour atténuer l’impact sur la faune, des solutions ont été proposées, telles qu’augmenter la rétention d’attributs fauniques et de vieux peuplements dans les secteurs aménagés​. Cela pourrait impliquer de laisser sur pied davantage d’arbres matures, de chicots, de bosquets non coupés au sein des parterres de coupe, afin de conserver des sites de nidification, des abris et de la nourriture pour la faune. Malheureusement, le projet de loi 97 ne comporte pas de dispositions explicites renforçant ces pratiques d’aménagement écosystémique. Si le point de vue industriel l’emporte sans contrepoids, la crainte est que les paysages forestiers se simplifient : moins de forêts matures, moins de gros bois morts au sol, moins de cèdrières en bord de rivières – autant d’éléments pourtant cruciaux pour la diversité faunique.

 

Les pêcheurs et chasseurs risquent d’être témoins, sur le terrain, de ces changements écologiques. Moins de gélinottes et de lièvres là où les coupes ont enlevé la régénération feuillue dont ils dépendent l’hiver ; moins de truites mouchetées dans un lac dont le bassin versant a été saccadé de chemins de débardage; des hardes de cerfs de Virginie dérangées en hiver faute de couverts denses pour les abriter, etc. Bien sûr, l’aménagement forestier n’est pas la seule cause des fluctuations fauniques, mais il en constitue un facteur déterminant dans un territoire massivement forestier comme le Québec. Plus de la moitié du Québec est couverte de forêts, en grande majorité publique, ce qui signifie que le sort de nombreuses espèces sauvages dépend directement de comment on gère cette forêt. Une gestion axée principalement sur la récolte ligneuse, sans égard suffisant pour les besoins de la faune, entraînera un appauvrissement durable de la biodiversité. Outre l’aspect écologique, ce serait une perte inestimable pour les utilisateurs fauniques : moins de prises, moins d’observations d’animaux, et à terme, la disparition d’un patrimoine naturel millénaire.

 

Exclusion des utilisateurs fauniques du processus de gestion des forêts publiques

Le projet de loi 97 passe sous silence un enjeu crucial : la place des chasseurs et des pêcheurs dans les décisions liées à la gestion de nos forêts publiques.

 

Depuis le début des réflexions de ce projet de loi, plusieurs utilisateurs de la forêt, dont les acteurs fauniques, sont exclus. Des consultations hermétiques, sous ententes de confidentialité, ont été tenues principalement avec des acteurs forestiers. La proposition résultante de ces consultations ne reflète pas les constats des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt (TRAF).

 

Dans la réalisation des délimitations de zonage, aucune mesure n’est proposée pour inclure davantage les utilisateurs du territoire qui œuvrent à sa conservation, comme les gestionnaires de territoires structurés (zecs, réserves fauniques, pourvoiries, etc.) ou les associations locales. Pourtant, leur expertise est essentielle pour éviter les conflits d’usage et protéger les habitats fauniques.

 

Le rapport des TRAF propose des pistes concrètes : intégrer des spécialistes de la faune et des représentants du plein air aux tables locales de concertation. Après tout, les forêts publiques sont un bien commun. Leur gestion devrait refléter tous les usages, pas seulement ceux de l’industrie.

 

Il est temps de réclamer une gouvernance forestière réellement inclusive, qui reconnaît la valeur des activités fauniques et donne une voix aux citoyens qui les pratiquent.

 

L’accès au territoire à la merci d’intérêts industriels

Pour les chasseurs et les pêcheurs, l’accès physique au territoire forestier est souvent la condition préalable à la pratique de leur activité. Or, le projet de loi 97 comporte plusieurs éléments qui risquent de restreindre ou compliquer cet accès aux chemins multiusages en terres publiques:

 

  • D’une part, il habilite explicitement le ministre des Ressources naturelles et des Forêts à gérer l’accès aux chemins en période de dégel. Il pourra également autoriser, par exception, une personne à déroger à ces normes, celle-ci étant alors responsable des dommages causés.

  • D’autre part, le projet de loi instaure l’élaboration de plans de gestion des chemins multiusages par unité d’aménagement ou groupe d’unités. Ces plans définiront les objectifs et orientations de gestion du réseau routier forestier, identifieront le réseau stratégique de chemins mécanismes de priorisation des travaux (construction, amélioration, fermeture) en fonction des enjeux régionaux. Le ministre pourra déléguer la mise en œuvre de ces plans à une entité tierce.

  • Enfin, un mécanisme de financement est prévu pour soutenir ces plans : le projet de loi autorise le gouvernement à imposer une contribution financière lors de la délivrance de certains permis ou droits d’usage, afin d’alimenter un fonds pour l’entretien des chemins. En clair, des frais additionnels pourraient être perçus sur des permis délivrés par l’État (par exemple, permis forestiers, miniers, ou autres à déterminer) pour financer la gestion du réseau routier multiusage.

 

L’élaboration des plans de gestion des chemins multiusages pourrait donc représenter une avancée positive pour une approche plus cohérente et durable du réseau routier, ce qui bénéficierait ultimement à tous les usagers, y compris les chasseurs et pêcheurs. Si chaque région dispose d’un plan directeur identifiant les chemins primaires (à garder ouverts en permanence), secondaires (à usage saisonnier ou occasionnel) et ceux à fermer/réhabiliter, l’accès au territoire faunique sera plus prévisible.

 

Idéalement, les axes jugés stratégiques pour la sécurité publique, le développement récréotouristique ou la gestion faunique devraient figurer parmi les chemins à maintenir. Le rapport des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt (TRAF) suggère d’ailleurs de « doter chaque région d’un plan directeur des chemins multiusages » et de « désigner, dans chaque région, un maître d’œuvre […] de la gestion du réseau de chemins », indépendant et imputable, qui planifierait le réseau en concertation avec l’ensemble des utilisateurs. Il insiste pour que cette planification se fasse en concertation avec les autres utilisateurs.

 

Or, le projet de loi 97, tel que rédigé, ne prévoit pas formellement la consultation des parties prenantes lors de l’élaboration du plan de gestion des chemins – il mentionne seulement que le plan doit tenir compte de la planification forestière et des schémas d’aménagement du territoire. Il serait bénéfique d’y inclure explicitement un processus de concertation régionale avec la participation d’intervenants fauniques. Une telle concertation garantirait que les chemins menant à des zones de chasse, de pêche ou de villégiature importantes soient considérés comme stratégiques ou du moins que leur sort soit discuté avant d’être éventuellement fermés.

 

Le financement des chemins multiusages par une contribution obligatoire suscite aussi des questions quant à son incidence sur les utilisateurs fauniques. S’il est probable que les contributions viseront principalement les titulaires de permis industriels (exploitants forestiers, miniers, etc.), il n’est pas exclu que certains droits d’usage liés à la faune soient touchés. Par exemple, les baux de pourvoirie ou les baux de villégiature pourraient être assujettis à une telle contribution, de même que les droits d’accès pour les utilisateurs des ZEC. Il faudra suivre de près les règlements qui détermineront quels permis ou droits sont visés. Une nouvelle charge financière serait mal accueillie si elle n’est pas accompagnée de bénéfices tangibles (ex.: entretien régulier du chemin menant au camp principal d’une pourvoirie). L’équité du mécanisme de financement sera donc un point à surveiller. 

 

À cet égard, le TRAF souligne l’importance d’inclure le milieu municipal, l’industrie forestière ainsi que les utilisateurs du réseau dans toute démarche encadrant les chemins multiusages, et de prévoir des mesures pour évaluer les conséquences écologiques du réseau et adapter ce dernier aux changements climatiques. Pour les utilisateurs fauniques, l’aspect écologique n’est pas à négliger non plus : un réseau de chemins rationalisé pourrait réduire la perturbation des habitats (moins de dérangement du gibier, moins de sédimentation dans les frayères en cas d’érosion de chemins). En revanche, la fermeture de chemins existants sans alternative peut restreindre l’accès traditionnel à certains sites de chasse ou de pêche.

 

En somme, l’accès au territoire, élément vital pour ses usagers, pourrait devenir plus limité, plus coûteux et moins prévisible avec le nouveau régime forestier. La capacité de rejoindre des sites éloignés pour chasser ou pêcher dans des conditions adéquates s’en trouverait diminuée, menaçant ainsi la poursuite de ces activités dans certaines zones.

 

Votre Fédération en action

Le projet de loi 97, dans sa forme actuelle, risque de compromettre la vitalité économique de la chasse, de la pêche et du plein air dans nos régions. Ces activités représentent bien plus qu’un loisir : elles soutiennent des milliers d’emplois, font vivre des entreprises locales et tissent un lien fort entre les citoyens et leur territoire.

Au-delà des impacts immédiats, c’est l’accès au territoire pour les générations futures qui est en jeu. Limiter l’accès aux forêts publiques, fragiliser les habitats fauniques et écarter les usagers fauniques des décisions, c’est menacer la transmission de traditions profondément enracinées au Québec.

La Fédération prend donc action pour défendre les intérêts de la communauté.

 

Lettre au ministre responsable des ressources naturelles et des forêts

N’ayant pas été formellement invitée aux Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt (TRAF) de 2024, la Fédération a écrit une lettre à la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Mme Maïté Blanchette Vézina, pour souligner sa déception de ne pas avoir été considérée et réitérer que les chasseurs et les pêcheurs sont parmi les citoyens les plus impliqués dans la préservation de la forêt, de par les aménagements qu’ils réalisent ou supportent dans toutes les régions. Ils méritent une place prépondérante parmi les intervenants qui détermineront le prochain régime forestier.

Les réflexions de la FédéCP ont tout de même été transmises aux TRAF à l’aide de la plateforme de consultation internet prévue à cet effet.

Sortie médiatique

Suivant le dévoilement public du projet de loi, la Fédération partage ses inquiétudes quant à ce dernier soulignant les enjeux pour notre communauté.

Lire le communiqué

 

La suite

La Fédération sera présente au sommet du 20  mai prochain intitulé  “Pour vivre la forêt” à Chicoutimi pour représenter les intérêts des chasseurs et des pêcheurs.

Également, l’équipe FédéCP prépare un mémoire présentant les enjeux préoccupants pour notre communauté en vue d’une commission parlementaire.

 

La gestion de notre patrimoine forestier doit se faire avec et pour l’ensemble des citoyens, en assurant un équilibre durable entre les usages économiques, récréatifs et écologiques. La Fédération poursuivra ses actions pour que la voix des chasseurs et des pêcheurs soit pleinement entendue.

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