Estimation des populations d’orignaux de la Seigneurie de Beaupré
Entretien avec Dalie Côté-Vaillancourt, étudiante à la maîtrise en biologie à l’Université Laval
Dalie Côté-Vaillancourt est étudiante à la maîtrise en biologie à l’Université Laval et récipiendaire de la bourse Aurèle-Blais 2015 offerte par la fondation Héritage faune. Ses intérêts de recherche concernent les problématiques appliquées comme la conservation, la gestion et la mise en valeur de la faune. Elle s'intéresse particulièrement aux initiatives de science citoyenne, aussi appelée science collaborative ou participative. Il s'agit d'une approche qui, en impliquant des volontaires dans la prise de données, permet de récolter une quantité d’informations inégalable avec la participation de seulement quelques professionnels. Cela permet de couvrir de grandes échelles spatiales et temporelles.
« Ma formation académique et mes expériences professionnelles m’ont permis de comprendre la complexité des écosystèmes et la pertinence de conserver l’intégrité écologique des milieux naturels. J’ai un intérêt particulier pour le secteur de la faune parce que la chasse et la pêche sont des activités qui permettent aux Québécois de reconnecter avec la nature et d’y être plus sensible. Pour que ces activités soient maintenues, la gestion de la faune doit être faite dans une approche de développement durable pour assurer aux générations futures un accès à des populations de gibiers en santé ».
En Amérique du Nord, l’inventaire aérien est la principale méthode d’estimation des populations de grands ongulés. Toutefois, il s’agit d’opérations coûteuses qui n’offrent qu’une donnée ponctuelle et dont l’utilisation dans un contexte de ressources limitées est remise en question. Il peut parfois y avoir un délai de 10 ans entre deux inventaires pour un même territoire. Dans des contextes où des populations animales présentent de grandes variations, la mise en place de mesures de gestion efficaces représente un défi de taille si l’évolution de ces populations est évaluée une fois par décennie. Pour allouer des quotas adéquats et évaluer le succès des mesures de gestion, l’état des populations doit donc être évaluer fréquemment parce que des mesures inappropriées de gestion pourraient être maintenues pendant plusieurs années avant qu’un autre inventaire soit réalisé.
Description du projet
Son projet de recherche, Dalie a choisi de le faire sur la Seigneurie de Beaupré en partenariat avec le Séminaire de Québec. La grande partie des revenus annuels du Séminaire de Québec provient des allocations de droits de chasse sur la Seigneurie de Beaupré et les dirigeants avaient besoin d’un outil pour pouvoir suivre régulièrement les fluctuations de la taille de la population.
« Notre objectif est d’évaluer le potentiel des données d’observation et de récolte d’orignaux recueillies par des chasseurs pour suivre temporellement et spatialement la démographie des populations d’orignaux. Nous avons comparé des indices populationnels dérivés des données d’observations et de récolte de l’orignal par les chasseurs avec ceux estimés par deux inventaires aériens conduits sur la Seigneurie de Beaupré en 2004 et 2013. Le nombre d’animaux vus par unité d’effort est l’indice qui nous permet de mieux suivre l’augmentation de la population d’orignaux enregistrée par inventaires aériens. Les données d’observations recueillies par les utilisateurs de la faune, lorsque combinées à des indices d’impact d’une espèce sur leur habitat et à des informations sur la condition physique des individus, sont un outil de gestion économique pouvant être évalué annuellement ».
Le protocole d’observation de l’orignal était déjà en place depuis 2003. La première initiative a donc été d’en faire la promotion auprès des chasseurs pour préciser certains détails permettant d’améliorer la qualité de la base de données. Des équipes de bénévoles ont alors été réparties sur le territoire afin d'entrer en contact avec les chasseurs et répondre à leurs questions. Une analyse des données historiques récoltées par les chasseurs par différentes approches statistiques décrites dans la littérature a été réalisée par la suite. Une partie essentielle de la science collaborative est la rétroaction faite aux observateurs pour les garder motivés à participer.
« L’analyse statistique d’une base de données de cette ampleur a été un défi considérant l’aspect novateur de l’approche de science collaborative. Mon directeur de recherche et moi avons donc sollicité l’aide d’un chercheur norvégien expert en estimation des populations d’orignaux basée sur les observations par les chasseurs, Erling Johan Solberg, et l’avons invité à être mon codirecteur de maîtrise. Je suis allée le rejoindre en Norvège pour un séjour de 2 mois pour profiter de son expertise lors de l’analyse des données ».
Présentation et déroulement du projet
La Seigneurie de Beaupré est entièrement divisée en 201 clubs de chasse où sont répartis plus de 1300 chasseurs. Chaque club fournit ses données de récolte de l’orignal depuis 1987 et celles d’observations depuis 2003. Les populations d’orignaux de la Seigneurie de Beaupré avaient aussi été estimées à partir de deux inventaires aériens en 2004 et en 2013, ce qui a permis à Dalie de comparer l’évolution des indices de populations dérivés des données d’observation et de récolte fournies par les chasseurs avec un estimé indépendant.
La densité d’orignaux sur la Seigneurie de Beaupré est la plus haute au nord du fleuve Saint-Laurent. L’estimation de l’inventaire aérien de 2013 rapporte une densité de 14,8 orignaux/10 km². Dans le but de limiter l’augmentation de la population, le Séminaire a réagi en ajustant le nombre de permis de récolte alloué sur son territoire, mais pour vérifier l’atteinte des objectifs de gestion, une méthode peu coûteuse d’estimation était nécessaire. Des analyses préliminaires ont été réalisées dans le cadre de l’élaboration du dernier plan de gestion et ont révélées le potentiel de la base de données d’observation à suivre l’évolution des populations d’orignaux de la Seigneurie de Beaupré. C’est suite à ce constat que le projet a été mis sur place afin de faire une analyse approfondie de cette base de données.
« Lors du premier automne de ma maîtrise, j’ai d’abord rédigé une proposition décrivant le contexte et la méthodologie du projet de recherche qui a été approuvé par un comité d’évaluation pour s’assurer de la faisabilité du projet et du respect des échéances proposées. Je suis aussi allée à la rencontre des chasseurs pour faire la promotion du formulaire d’observation.
À l’hiver, je me suis familiarisée avec les différentes approches d’estimation d’abondance retrouvées dans la littérature et j'ai fait les analyses préliminaires de la base de données. Au printemps, je suis allée en Norvège pour analyser de façon approfondie la base de données à l’aide de mon codirecteur. À l’automne 2016, je suis retournée pour une deuxième année aux entrées de la Seigneurie avec mes équipes de bénévoles pour aller à la rencontre des chasseurs. Mon temps est désormais consacré à la rédaction de mon mémoire de maîtrise et de l’article scientifique qui présentera à la communauté scientifique et aux gestionnaires les résultats de mes recherches.
Tout au long de ma maîtrise, j’ai consacré beaucoup de temps à la diffusion de mes résultats à différents publics. J’ai participé à des concours de vulgarisation pour jeunes du secondaire et pour des universitaires. J’ai aussi participé à de nombreux congrès, notamment celui de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs en avril dernier. J’ai réalisé une entrevue en direct à la radio de Radio-Canada en Abitibi-Témiscamingue et participé à un concours qui nous a amenés à tourner une capsule vidéo au siège social de la FédéC, à Saint-Augustin. (Pour visionner cette capsule, voir plus bas!)
Je trouve que c’est particulièrement évocateur et représentatif d’un contact durable et responsable avec la faune. Admirons la beauté de la faune et exploitons les ressources fauniques en ne prenant que ce qui est nécessaire pour que d’autres puissent en profiter et pratiquer ces activités qui nous rapprochent les uns des autres et de la nature pour toutes les générations à venir ».
- Dalie Côté-Vaillancourt
La FédéCP remercie Dalie Côté-Vaillancourt et son équipe, de même que tous les collaborateurs de ce projet.
Ce projet n’aurait pas eu lieu sans l’apport des dons remis à Héritage faune, la première fondation québécoise à se donner pour mission la restauration des habitats fauniques.
Aidez-nous à restaurer d’autres habitats fauniques, à l’aide de vos dons et en étant vous aussi, membre de la FédéCP.