Un projet de recherche dédié à la tique de l’orignal au Québec
Programme de recherche en partenariat sur les relations Tique-Orignal-Climat
La situation des populations d’orignaux est une question importante aux yeux des chasseurs dans plusieurs régions du Québec. La tique d’hiver affecte les populations d'orignaux. Des chercheurs se penchent précisément sur la tique et sur son rôle dans le taux de mortalité des orignaux pendant l’hiver avec l’objectif ultime de fournir des recommandations de gestion et ainsi de diminuer l’effet de la tique.
Par Vincent Bonin-Palardy, étudiant à la maîtrise en biologie à l’Université Laval
Le programme de recherche en partenariat sur les relations Tique-Orignal-Climat (TOC) est piloté par Jean-Pierre Tremblay (Université Laval) appuyé par Steeve Côté (Université Laval), Sandra Hamel (Université Laval), Patrick Leighton (Université de Montréal) et Christian Dussault (MELCCFP).
« On a lancé le programme pour mieux comprendre et prédire la dynamique des interactions entre la tique d’hiver et les populations d’orignaux selon des conditions climatiques présentes et anticipées », explique Jean-Pierre Tremblay. « On cherche ainsi à anticiper les épizooties (épidémie qui frappe les animaux) de tiques d’hiver et d’émettre des recommandations de gestion pour en diminuer les effets sur les orignaux ».
Projet de maîtrise sur le rôle de la tique dans la mortalité des veaux
C’est dans ce programme de recherche que s’inscrit mon projet de maîtrise par lequel nous cherchons à comprendre quels sont les facteurs qui déterminent si un veau va survivre ou non à l’hiver et quel est le rôle de la tique parmi ces facteurs. Nous avons donc capturé et marqué un total de 280 veaux au cours des hivers 2020, 2022 et 2023 dans quatre régions du Québec et une région du sud du Nouveau-Brunswick. Au moment de la capture, un individu sur deux a reçu un traitement d’acaricides qui permet de réduire considérablement sa charge de tiques. Cela nous permet de comparer la survie des individus non traités (ayant une charge de tiques naturelle) de ceux traités (ayant une charge de tiques très faible voire nulle). Nos premiers résultats indiquent un rôle majeur de la tique d’hiver sur la survie hivernale des veaux. En effet, parmi les 68 mortalités hivernales recensées au cours des trois hivers du projet, 58 sont survenues parmi les veaux n’ayant pas reçu le traitement acaricide (145 individus) contre seulement 10 dans le groupe l’ayant reçu (135 individus). Nous avons aussi noté un effet de la masse, du sexe et de la charge de tiques. En effet, les individus plus lourds avaient plus de chances de survivre que les plus légers, alors que les femelles avaient de meilleures chances de survivre que les mâles. De plus, parmi les individus non traités, ceux ayant moins de tiques avaient un taux de survie plus élevé que ceux qui en avaient plus.
Nos résultats indiquent que la tique d’hiver est un facteur de mortalité majeur pour les veaux orignaux sous certaines conditions, ce qui pourrait avoir d’importantes conséquences à l’échelle de la population. En effet, nous savons que la survie des juvéniles est essentielle au renouvellement des populations. Une forte mortalité de juvénile pendant plusieurs années consécutives peut entraîner des problèmes de recrutement et un déclin des populations 1.
Des recherches pour prédire l’évolution des populations d’orignaux
D’ailleurs, mon collègue Florent Déry, qui réalise présentement un doctorat à l’Université Laval, développe actuellement des modèles prédictifs qui nous permettront de mieux prévoir la trajectoire des populations d’orignaux dans le futur, en tenant compte des changements climatiques et des impacts de la tique d’hiver. Ce projet inclut également un volet de science citoyenne qui encourage les chasseurs volontaires à fournir des photos d’orignaux prises au printemps. Les images sont ensuite traitées par un algorithme d’intelligence artificielle afin d’estimer la perte de poils des orignaux.
Un autre projet de doctorat mené par ma collègue Morgane LeGoff à l’Université Laval est aussi en cours. Ce projet vise à évaluer les facteurs favorisant la survie et la présence de la tique dans l’habitat de l’orignal, en plus des facteurs favorisant la cooccurrence des deux espèces.
Logo TOC
Perspectives pour les populations d’orignaux
Est-il possible de freiner les effets de la tique en traitant les orignaux ?
L’application d’un acaricide sur les populations d’orignaux ou dans l’environnement est-elle envisageable à grande échelle ? Non, répond rapidement Jean-Pierre Tremblay. « Non seulement le produit n’est efficace que pour un mois au mieux — il faudrait donc l'administrer à nouveau chaque année à chaque orignal — mais le dosage administré à l’animal doit être précis pour être efficace. C’est pourquoi nous suivons un protocole rigoureux avec les techniciens du MELCCFP pour s’assurer que chaque animal ait reçu la dose prescrite du traitement. Si l’on mettait tout bonnement de l’acaricide dans des blocs de sels par exemple, non seulement on ne pourrait pas contrôler le dosage et donc l’efficacité du produit, mais cela favoriserait le développement de résistances aux acaricides chez les tiques. Or, ces acaricides sont aussi utilisés sur le bétail et les coûts de recherche et développement nécessaires à l’élaboration de nouveaux acaricides sont majeurs pour les compagnies pharmaceutiques — coûts qui seraient immanquablement relégués aux éleveurs ». Il ajoute que « ce traitement a été utilisé de façon responsable pour isoler la tique des autres facteurs de mortalité dans nos analyses de survie afin de mieux comprendre son rôle. Il n’a jamais été question de son application à grande échelle dans le cadre de nos recherches à ce jour ». Sans compter que les blocs de sels sont surtout visités au printemps, soit lorsque les femelles tiques tombent des orignaux ou sont sur le point de le faire.
Orignaux infestés par la tique d’hiver au printemps (réserve faunique La Vérendrye, 2023)
La complétion du programme de recherche en partenariat sur les relations TOC devrait nous permettre de mieux comprendre la situation dans les années à venir.
Pour plus d’informations sur le programme de recherche en partenariat sur les relations TOC, visitez le https://www.albipictus.com/
Référence
1- Musante, A. R., Pekins, P. J. et Scarpitti, D. L. (2010). Characteristics and dynamics of a regional moose Alces alces population in the northeastern United States. Wildlife Biology, 16(2), 185‑204.
La lecture de cet article vous a plu ? Découvrez sans plus tarder nos Grands dossiers qui présentent et traitent différents sujets d'actualité du monde de la chasse et de la pêche et qui expliquent les actions portées par la FédéCP.