PHOTO BANNIÈRE: DOMINIQUE MARTIN JR

 

Un amateur de plein air au service de la faune : entretien avec Charles Charron du Club de Plein air de Saint-Hippolyte

 

Charles Charron est un retraité très actif. Membre du Club de Plein air de Saint-Hippolyte, dans les Laurentides, il pratique le ski de fond et la raquette, en partie pour le sport, mais surtout pour explorer la forêt et observer la faune et la flore. Un jour qu’il écoute l’émission télévisée Découverte, on y présente un reportage sur un des plus beaux canards du Québec, le canard branchu (Aix sponsa). C’est un canard arboricole, c’est-à-dire, qu’il fait son nid dans les cavités naturelles des arbres. Cette espèce, devenue rare au début des années 1900, maintien de nos jours une population stable. Toutefois, elle subit d’importantes pertes d’habitats au cours du siècle dernier dû à la déforestation et l’urbanisation. Pour pallier à cette problématique et aider les populations locales, il y a une solution toute simple : installer des nichoirs dans les arbres afin de leur fournir un endroit pour couver.

 

Canard branchu (Aix sponsa)

Photo : Dominique Martin jr

 

Naissance d’un projet

Photos : André Marcoux

 

Autour d’un café, l’idée germe d'instaurer un réseau de nichoirs pour le canard branchu. Pourquoi ne pas aider la faune à travers les divers travaux du Club de plein air?

 

“Quelques personnes âgées de Saint-Hippolyte, des chasseurs de canards, m’ont raconté qu’ils ne voyaient presque plus de branchus depuis une cinquantaine d’années. C’est une problématique à laquelle il valait la peine de s’attarder.”

 

En 2013, le conseil d’administration du Club de plein air a approuvé l’implantation du programme et donné le mandat à M. Charron de chapeauter le projet. Il a donc élaboré un plan d’action, mais il fallait en connaître davantage sur le canard, son habitat et les modèles de nichoirs. Il a fait des recherches sur Internet et consulté des biologistes résidant à Saint-Hippolyte ainsi que des spécialistes dans le domaine : la Société d’aménagement de la Baie Lavallière et Canards Illimités Canada. Cependant, la plus grosse partie du travail et du même coup, la plus grande difficulté, a été de convaincre les propriétaires de terres privées d’accéder à leur terrain et d’y circuler pour l’installation et l’entretien annuel des nichoirs.

 

“Le plus difficile n’était pas de vendre la cause, mais bien de combattre la méfiance des propriétaires qui, dans un passé pas si lointain, ont fait face à diverses intrusions de VTT ou de motoneige.”

  

  

Après l’envoi d’une centaine de lettres et deux ans de pourparlers, c’est une vingtaine de propriétaires qui ont finalement accepté de se joindre au projet. Maintenant, il fallait se concentrer sur les nichoirs. M. Charron a repris son bâton de pèlerin et a cherché des matériaux, des outils et de la quincaillerie afin de bâtir lui-même 33 nichoirs. Les entreprises locales ainsi que des particuliers se sont montrés généreux et ont fourni le nécessaire. Des dons en argent ont été recueillis, en plus de subventions provenant du programme Mini projets fauniques de la fondation Héritage faune. Avec l’aide de valeureux bénévoles, les premiers nichoirs ont pu être installés en 2014. En 2015, 14 autres nichoirs ont été implantés et en 2016, 13 autres se sont ajoutés. Au total, le réseau compte 60 nichoirs à canards branchus distribués géographiquement dans presque toute la municipalité de Saint-Hippolyte. Celle-ci a une superficie de 121 km² comprenant 62 lacs et quelques marécages d'une grande importance biologique. 

 

Le club ne prévoit pas l’ajout d'autres nichoirs, cependant, la tâche des bénévoles n’est pas terminée. Il y a un entretien annuel à faire chaque hiver afin de nettoyer les nichoirs et les préparer pour l’arrivée des oiseaux au printemps. Le canard branchu passe ses hivers dans le sud des États-Unis pour revenir vers le nord au printemps afin de s’accoupler. La femelle retourne sur son lieu de naissance pour faire son nid, de là l’importance de bien entretenir le réseau de nichoirs. Le nettoyage hivernal ne se fait pas sans peine. Les bénévoles attitrés sont en grande forme physique, ils sont vaillants et très motivés. Ils doivent trimbaler une échelle, quelques outils et de la ripe de bois afin de changer la litière de chacun des 60 nichoirs.

 

 

  

 “La sécurité est un élément à ne pas négliger lorsque nous nous déplaçons sur les lacs et les marais gelés. À chaque nichoir, que nous retrouvons grâce aux coordonnées GPS, nous prenons en note son état et son utilisation. Nous observons et comptons les coquilles d’oeufs afin de savoir combien de petits canetons sont sortis du nid cette année. Il arrive que l’on ait des surprises comme un polatouches qui s’éveille à l'ouverture du nichoir!”

   

 

Les retombés

Les inventaires des hivers 2015 et 2016 ont révélé des résultats surprenants et très encourageants. Concrètement, il y a eu 12 nichées de canards branchus pour un total de 114 oeufs couvés. Les nichoirs ont aussi profité à d’autres espèces comme le harle couronné, l’hirondelle bicolore, la petite nyctale, le petit-duc maculé, le troglodyte, le polatouche et l’écureuil.

 

Le projet est maintenant connu des résidents ainsi que son responsable, affectueusement surnommé “Le gars des nichoirs”. Ce genre de projet est mobilisateur et démontre à la population qu’il y a des individus qui posent des gestes concrets pour la protection de l’environnement et la valorisation du milieu naturel. Il sensibilise la population et ses élus à protéger ses plans d’eau et ses aires naturelles. Il amènera peut-être même le conseil de ville à réfléchir aux valeurs environnementales, en regard des aménagements et du développement résidentiel. 

 

L’objectif maintenant poursuivi par M. Charron est d’assurer le maintien et l’entretien des installations. Son message pour ceux qui voudraient développer une initiative semblable : “Créer des liens avec des gens ou des organismes qui ont réalisé le même genre de projet peut éviter bien des erreurs et sauver du temps. Trouvez votre motivation dans vos passions et surtout, cessez de parler, impliquez-vous!”

 

On peut appeler ça un PROJET À SUCCÈS!

 

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