Speyrit, l'amour est dans la fosse.
Récit de pêche à l'achigan
Que préférez-vous? Les petites vites ou les aventures de longue haleine? Holà… ne pensez pas croche! Nous ne faisons référence qu’à la façon dont vous aimez partir à la pêche! Pour nous, afin de nourrir la flamme, celle de la conquête de nos plans d’eau bien sûrs, nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin d’un équilibre entre ces deux types d’excursion. L’histoire dans laquelle nous vous invitons à nous suivre fait partie de celles à laquelle nous avons accordé une attention méticuleuse.
Tout commence à la mi-février 2017, vous savez cette période de l’année où le seul indice d’un possible redoux éveille en nous la nostalgie des doux souvenirs de la dernière saison de pêche. Ainsi, alors que nous ressassons nos souvenirs de l’année dernière, ma douce et tendre moitié, Amélie, m’interrompt… pour me regarder droit dans les yeux… et déclarer : « J’ai trouvé mon défi pour l’an prochain! Je veux attraper mon premier achigan de plus de 20 pouces » Vous savez, ces superbes belles palettes en forme de ballon de football!
Laissez-moi vous dire, quand ma femme a une idée dans la tête, elle est loin de l’avoir dans les pieds! Nous sommes du type moucheur « touche à tout ». Ainsi, au fil des ans, nous avons eu le plaisir de croiser le fer avec quantité d’espèces sans jamais développer une expertise significative pour aucune. Bien sûr, nous avons pêché l’emblématique seigneur saumon et dame truite, mais aussi les redoutables brochets, les discrètes carpes, les insatiables bars rayés ainsi que le lépisostée osseux et le poisson-castor, qui sont deux espèces toutes droites sorties de la préhistoire. À plusieurs reprises, la capture d’achigans est venue pimenter nos sorties, mais jamais cette espèce n’avait été l’objet spécifique d’une expédition!
Utilisons notre réseau pour réussir notre voyage!
Dès lors, nous prîmes contact avec Cyril, un chic type ayant assisté aux cours de lancer que nous donnions bénévolement pour le Casting Club de Québec. Il nous avait tellement parlé avec amour et dévotion de sa rivière, la Batiscan, et tellement insisté pour que nous ne nous gênions pas à le contacter si nous voulions venir explorer ce coin de pays qu’il avait pris en adoption.
C’est avec un enthousiasme débordant, qu’il nous prit totalement au dépourvu, nous enjoignant à venir poser notre VR sur son terrain pour la fin de semaine complète au moment de l’ouverture de la pêche à l’achigan. Devant un tel élan de générosité, il nous était impossible de résister à l’accueil légendaire des Français! Nous conclûmes donc d’être chez lui dès le vendredi 15 juin au soir.
Début de saison difficile, dame nature n'est pas très collaboratrice!
Mars, avril passèrent en coup de vent et le mai nous teint en haleine tant Dame nature fut «généreuse» dans ses aberrations météorologiques. Nullement besoin de vous rappeler en détail les conséquences des pluies diluviennes jumelées à la fonte tardive de la neige : cellule de crise entre les provinces de Québec et de l’Ontario pour la gestion du débit du fleuve, des rues entières de Montréal noyées sous des torrents, un lac St-Pierre qui passe à un poil de submerger la 40 et des crues printanières qui s’étirent jusqu’en juin partout en province! Dame nature allait-elle finir par prendre son Prozac?!?
Ce n’est qu’à une semaine d’avis, que Cyril nous confirma que, loin d’être parfaites, les conditions s’annonçaient pour être « potables » pour une partie de pêche. Par contre, parce que… bien sûr, il devait y avoir un « MAIS », des problèmes sur l’un de ses chantiers dont il avait la responsabilité allaient l’empêcher de nous accompagner. C’est ainsi qu’une seconde fois, il nous surprit par sa grande générosité, nous annonçant avoir tout mis en place pour s’assurer de notre confort lors de notre séjour.
La Batiscan, enfin nous y sommes!
Vendredi 15 juin arrive enfin et, Dieu merci, sans aucun imprévu nous rejoignons notre destination. Le décor est bucolique. Le bitume encore noir de la rue et les résidences neuves la bordant font tache d’huile en comparaison du village à proximité. L’atmosphère est calme, une odeur de BBQ flotte dans l’air et tel que nous l’avait annoncé notre ami, les voisins nous accueillent chaleureusement pendant que nous installons notre roulotte sur son terrain. La soirée passe ainsi à la vitesse de l’éclair.
Nous nous éveillions 7 h passés! Ah! Le cadrant avait été programmé pour 6 h… pm! À quoi bon se presser! Nous sommes malgré tout en congé, nous avons toute la journée devant nous! Toutes les conditions météo sont en notre faveur : une toute petite brise, juste ce qu’il faut pour mettre en déroute les moustiques qui ont profité des derniers jours pour enfin sortir de leur tanière. Un soleil qui joue à cache-cache avec de gros nuages de coton. Une température qui accepte enfin de s’élever au-dessus des 20 degrés. Notre seul défi de la journée, réussir à débusquer sieur achigan sur un territoire que nous ne connaissons pas et dont le niveau cache à notre vue, la majorité des points de repère que Cyril nous avait donné. Mais qu’à cela ne tienne, le meilleur moyen d’attraper du poisson, c’est de mettre une ligne à l’eau!
Sur les huit premiers kilomètres de la rivière, nous ne faisons que dalle! Malgré le vaste arsenal de techniques et de mouches présentées, aucun poisson si petit soit-il ne daigne nous faire le moindre signe de vie. Nous avons ainsi tenté les eaux calmes des baies rencontrées, les zones de turbulences où se rencontrent des courants de vitesse différente et les ilots rocheux. Sept longues heures de pêche qui mettent à dure épreuve notre confiance et notre optimisme et rien ne semblent vouloir fonctionner! Nous croisons quelques habitués qui ne semblent pas avoir plus de succès que nous. Bien que cela nous permette au moins de ménager notre orgueil, ça ne nous aide pas davantage à maintenir en vie la flamme de l’espoir d’une capture. Nous apprenons que le niveau de la rivière doit être entre 3-4 pieds plus hauts que la normale en ce moment de l’année!
Le doute s'installe, mais qui ne risque rien n'a rien!
Quatorze heures sonnent et nous n’avons pas encore vu l’ombre d’un poisson! Le ciel semble vouloir se couvrir, nous observons même de gros nuages sombres se déplacer tranquillement dans notre direction, avec ce qui semble être un rideau de pluie à leur base. Le doute commence à s’insinuer dans nos esprits. Vous savez, quand malgré toute votre bonne volonté de vouloir persister à croire que vous avez encore une chance et que la peur de faire bredouille commence à vouloir prendre racine dans vos pensées. Pour en rajouter une couche, la batterie de notre moteur électrique commence à donner ces premiers signes de faiblesse. Un doute s’installe ainsi dans nos esprits… Tentons-nous le destin en poussant notre chance jusqu’au bout, au risque de devoir faire une partie du chemin de retour à la rame et sous la pluie?
Le bon spot! Les astres s'alignent.
Que le diable nous emporte! Nous n’avons pas fait tout ce chemin pour abandonner aussi facilement! Mus par l’espoir, nous décidons de parcourir les deux derniers kilomètres qui nous séparent d’un véritable rapide. Le risque en vaut la chandelle! Les probabilités sont fortes que, pour se protéger de la fureur des flots, les achigans se soient réfugiés dans les eaux calmes et profondes des fausses jouxtant ledit rapide.
Comme pour saluer notre persévérance… ou notre témérité, accompagné d’une masse d’air en provenance du sud, le soleil décide de recommencer à se faire plus présent. La conjugaison de ces deux phénomènes semble provoquer l’effondrement de la masse nuageuse qui arrivait à toute vapeur sur nous. Ces conditions nous redonnent du cœur au ventre, s’il y a à y avoir un pic d’activité, ce sera très bientôt.
Une fois arrivés à destination, nous prenons note des conditions suivantes : ce qui normalement devrait être un rapide de type R1 praticable en canot, ne pourrait n’être franchissable qu’en kayak d’eau vive ou en pneumatique. Seule une petite bande de terre submergée de 150 mètres parallèle aux flots tumultueux semble praticable.
On se croise les doigts, en fait, bien qu’étant une aire de jeu toute petite, les caractéristiques qu’elle affiche soient les plus prometteuses que nous ayons rencontrées de la journée. Une zone de très fort courant avec suffisamment de turbulence pour désorienter n’importe quelle proie qui aurait pu se laisser prendre dans la fureur du rapide, jouxté à une zone peu profonde exempte de courant pour s’y reposer où un herbier et quelques roseaux ont déjà commencé à pousser. C’est simple, si ça ne mord pas ici, ça ne mordra pas nulle part! Nous échouons la chaloupe au milieu d’un bosquet submergé et l’attachons solidement à un arbre sur la rive. Au moins, nous pourrons nous dégourdir les jambes et quadriller le secteur à pied!
Comme il s’agit de la quête d’Amélie et que la galanterie est toujours de mise dans notre couple, c’est à elle que revient l’honneur de la première passe. Moi, je m’assoie, profite du paysage et de la chance de pouvoir partager ce merveilleux sport avec la femme de ma vie. Comme à son habitude, Amélie s’exécute avec bien plus de grâce que je ne pourrais en avoir. Bon… OK… oui je l’avoue, je suis un fan fini de ma femme! Je vous compte cela comme si elle avait passé des heures à quadriller les 150 mètres de berge, alors qu’il ne lui fallut que de 2-3 lancers bien placés pour enfin sentir sa ligne se tendre sous l’assaut furieux d’un achigan. Nos efforts furent plus que couronnés de succès! Nous enfilâmes les captures les unes après les autres. Chacune, sans exception, nous fit connecter avec de véritables gladiateurs rendant fièrement justice au nom que leur donnèrent les premières nations : celui qui combat.
Nous étions sur le spot et nous avions décodé l’approche à laquelle ils ne pouvaient résister! Une dérive dans le courant, suivi d’une pause pour laisser le temps à notre présentation de rejoindre le fond de la rivière, pour ensuite conclure avec une récupération de courtes saccades ponctuées de pauses.
Mieux vaut tard que jamais!
Vous imaginez bien qu’à ce stade, la notion de temps avait complètement perdu toute emprise sur nous! À notre grand dam, nous n’eûmes jamais conscience d’être abandonnés par la brise qui nous avait accompagnées tout au long de la journée. Cette brise en était venue à nous faire oublier la période de la saison dans laquelle nous étions… Vous savez bien, celle où de véritables vampires des bois rôdent et abondent sur le bord des plans d’eau... Cette période de l’année où mouches noires, moucherons et moustiques sont si nombreux qu’ils peuvent vous donner l’impression de pouvoir vous soulever de terre pour vous kidnapper et mieux vous vider de votre sang! Eh bien, ceux que nous avions nargués toute la journée durant ne se firent pas prier pour nous ramener à la réalité. Celle où, pour le salut de nos vies, la fuite ne pouvait pas être une option! C’est donc heureux de la conclusion de notre aventure et mû par l’instinct de survie, cette fois, que nous ayons décidé de fuir le sourire aux lèvres et le cœur léger. Nous avions réussi notre quête! Par nous-mêmes, à force de détermination, nous avions su débusquer des achigans trophées sur un cours d’eau que nous ne connaissions pas!
Amélie Caron et Vincent Delisle (Speyrit) offre des cours d'initiation au lancer et de pêche à la mouche.
Crédit photos: Vincent Delisle
Pour consulter leur site: www.speyrit.com












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