La folie du Fjord

Par Simon-Pier Lemelin

 

C’était la fin janvier, Marguerite, ma première fille venait de voir le jour, il y avait tout juste trois semaines, faisant de moi un personnage casanier qui veille au bien-être de sa famille. Mon ami François me passe un coup de fil pour une sortie de pêche à l’éperlan sur la glace du fjord du Saguenay à St-Fulgence. Évidemment, après avoir entendu les récits des dernières sorties, j’en ai une envie folle. Toutefois mon nouveau rôle de papa ralentissait mes ardeurs, je ne voulais pas quitter ma mini trop longtemps. Mon ami me suggère alors de me contacter une fois installé pour que je passe faire un tour si la pêche s’annonce bonne. Avec la bénédiction de ma conjointe, je commence à rassembler mon équipement et j’attends frénétiquement l’appel de François. Ça sonne! « Viens-t’en, ça mord! » Je saute dans mon camion avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Malheur: le vieux refuse catégoriquement de démarrer. Après plusieurs essais et vérifications, le cœur gros, je rappelle mon ami pour lui dire que je ne serai pas de la partie. Entendant la déception dans ma voix, François me propose de venir me chercher, ce que j’accepte avec reconnaissance. Une fois sur place, le groupe d’amis installé sur le « spot » nous informe que depuis 45 minutes, plus rien ne bouge.

 

 

Optimiste, je sors ma tarière manuelle et je commence à percer la glace. Au même moment, un membre du groupe me dit de ne pas « forcer là-dessus » et se met à l’œuvre avec sa perceuse à essence et nous terminons simultanément de perforer la glace. Politesse oblige, je descends ma ligne dans le trou gentiment percé par mon comparse. Après quelques minutes, pendant que toutes les lignes sont parfaitement immobiles, comme si l'endroit s’était vidé de tout ses poissons, je sens ma canne se bander brusquement et j'ai la certitude qu’il ne s’agit pas d’un petit éperlan! Je resserre légèrement le frein de mon moulinet en pensant avoir accroché une truite de mer, je suis excité comme à ma première capture, quand je n’étais qu’un tout jeune enfant. Le poisson-surprise ne semble pas vouloir se montrer le nez et je commence à craindre qu’il ne se mêle aux autres lignes, je resserre encore le frein. Je vois passer la bête qui repart aussitôt en faisant chanter mon moulinet, je deviens soudainement nerveux à l’idée que ma ligne se brise, souvenons-nous que je visais l’éperlan! Avec la délicatesse de mise, je finis par extirper le poisson de son élément: une belle morue franche de 2 kilos avec en prime 3 éperlans fraîchement ingurgités! Le reste du groupe regarde la prise, mâchoire décrochée! Ma journée est faite, j'ai rempli mes yeux de la beauté du fjord, mes poumons d'air frais et surtout mon cœur et ma tête de joie et de souvenirs inoubliables. Bientôt, je rentre auprès des miens pour cuisiner cette chair délicate et savoureuse!

 

 

 

 Quelques semaines plus tard, je suis invité par le même groupe de joyeux lurons. Cette fois, c’est le tour du poisson de fond: le froid est mordant et le soleil resplendissant. Après une demi-heure de motoneige le long des crans escarpés du fjord, nous installons les tentes en vitesse et déroulons les lignes dans quelque 150 mètres de profondeur. Nous sommes une dizaine de pêcheurs, répartis dans cinq abris, qui semblent perdus au centre d’un désert de glace immense. Il ne s’écoule que quelques minutes avant d’entendre le premier « fish-on » et qu'on court à la tente voisine pour voir la prise, c'est parti! La pêche est exceptionnellement bonne, au point qu'après un peu moins de deux heures, c’est le moment de plier bagage: les limites de chacun sont atteintes! C’est avec nos cinq poissons par personne que nous rebroussons chemin, tout sourire, dans un paysage à couper le souffle. Mère nature a été généreuse, le fjord a fait honneur à sa réputation.

 

 

Ce soir dans nos maisons, les tables seront bien garnies, le feu de bois nous faisant oublier les morsures du froid en ne laissant de place dans nos esprits que pour les images des prises, des visages émerveillés et des paysages grandioses. Morues franches, sébastes et turbots feront le bonheur de nos familles! Je vous souhaite à tous de vivre une telle expérience sur le majestueux fjord du Saguenay, avec le soleil et les amis, le paysage et bien sûr, du poisson en abondance! Bonne saison et soyez prudents!

 

 

Simon-Pier Lemelin

Lemelinguides.ca

 

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