Le double abattage de Mario Huot
Ce matin là!
Avec grande fierté et empressement, à l’ouverture de la chasse, je ne contiens plus ma joie d’installer mes nouveaux appelants achetés la semaine précédente. Une disposition un peu serrée de mes deux femelles, l’une imitant une surveillante et l’autre qui mange. Mon mâle juvénile se tenant tout près de mes 2 femelles fières et à limite de la réalité. Cette image me donne un maximum d'ambition pour la chasse que j'entreprendrai sous peu.
Tout ce que je souhaite ce matin-là est de voir le soleil se lever sur mes appelants. Ils sont tellement réalistes, tout neufs, on croirait qu'ils ont encore les étiquettes de vente du magasin. Je suis convaincu de leur efficacité sans même les avoir testés.
Hourra! Un matin sans nuages, sans vent, sans brume, le paradis du chasseur de dindon quoi! Un matin clair résonnant le moindre petit son. Je peux entendre la nature qui se lève; de la chouette rayée aux oiseaux débutant leur journée. Quel spectacle incroyable.
Je fixe alors mes appelants en débutant ma séance d’appel. Quelques petits (Tree call) pour bien me faire localiser des mâles que j’entends glouglouter à environ 200 mètres de ma tente de camouflage. Plus la luminosité se fait sentir, plus j’augmente ma fréquence d’appel en imitant maintenant celui de la femelle en chaleur (Yelp).
Ils m’ont entendu, je frissonne de plaisir, mais en même temps de nervosité. Je ne peux croire qu’ils me répondent, à moi, le jeune débutant qui n’a pour expérience que l’écoute des cassettes VHS
P.S. pour ceux qui ne savent pas ce que les cassettes VHS, c’est l’ancêtre des DVD et maintenant des clés USB.
La communication est vraiment établie, nous nous parlons comme un couple dans leur salon, jusqu’au moment où une femelle, par brin de jalousie vient déranger notre conversation si passionnante. Elle s’interpose dans notre discussion en plus d’attirer mon mâle dans une autre direction, à l'aide de ses paroles des plus séduisantes et par son déhanchement naturel et très réaliste. Laissant en plan mon investissement si cher payé.
Je me sens dépasser par les événements, des leurres parfaits sur des tonalités aussi parfaites. Je ne me décourage pas, je donne la cadence et accélèrent les appels, pour montrer au mâle que je ne bouge pas aussi bien que la vraie femelle, mais que je suis docile et que je lui propose de passer à l’acte, s’il s’approche de nous.
Je persiste à répéter mes appels. Après plusieurs minutes, qui pour moi me paraisse des heures, le grand mâle décide enfin de venir voir ma supercherie d’appelants pour en avoir le coeur net à propos de ces sons plaintifs, qui le tourmentent depuis déjà un moment. D’un pas plutôt inquiet, le gros Tom, la queue en éventail s’approche pas à pas, il ne néglige aucun détail. Regardant à gauche, regardant à droite, le voici assez près de moi pour que je puisse tenter un coup de feu.
Mon empressement du matin à disposer mes appelants de façon aléatoire m’oblige à être patient. Le mot patient prend toute sa valeur quand le rêve d’une première chasse est à portée de fusil et que je m’aperçois que le super mâle est au centre de ce petit troupeau d’appelants.
La patience est de mise, ma respiration, ma transpiration, mon énervement et mes tremblements font de moi un tireur inquiet, surtout quand j’aperçois à l’autre bout du champ de soya, un coyote ayant flairé ce morceau de filet mignon appétissant, gambadant sans se douter que le grand méchant coyote n’a qu’une idée en tête. Regardant constamment dans notre direction tout en longeant le bois, maître coyote n’utilisant que sa ruse pour déjouer sa proie, s’approche sans cesse. Mon cœur bat la chamaille entre l’excitation de prélever mon premier dindon sauvage et que ce fin coyote fasse fuir mon trophée. Je ne cesse d’appeler mon grand Tom pour qu’il bouge hors de mes appelants, mais en vain. Il est planqué là comme s’il était une continuité de mes appelants. Mon compétiteur à poils continu sa démarche comme un fantôme, sans se douter à son tour que ce petit attroupement d’oiseaux est majoritairement fait de matériaux non comestibles.
Je ne peux attendre plus longtemps, je dois effectuer un tir précis pour atteindre ma cible proprement, pour qu’elle ne puisse pas fuir, car la seule porte de sortie de l’oiseau est dans la direction stratégique du coyote.
J’attends, j’attends, je me positionne parfaitement. Mon fusil de calibre 12 avec des plombs numéro 5 est prêt à faire feu. J’enlève le cran de sécurité, je m’assure de bien viser la base du coup de mon oiseau et BANG. Les plumes tourbillonnent dans les airs! Mon dindon meurt instantanément. Le coyote surpris par le coup de feu résonnant dans le champ, s’enfuie les jambes à son cou.
L'homme le plus heureux de la Terre
Je suis l’homme le plus heureux de la Terre, j’accours voir mon dindon, tiré à plus de 30 mètres de ma cache. Avec mon énervement, je vois qu’il y a 2 dindons par terre, coucher sur le côté, je ne peux pas croire que j’ai fait un double abattage !?!?!?
Je me penche pour prendre un des deux oiseaux, qui pour ma part a plus de plumes que l’autre, pour enfin réaliser que je venais de détruire totalement un de mes superbes appelants si dispendieux et réaliste.
L’homme heureux et fier de sa récolte apprit qu’il faut toujours laisser une distance appréciable entre nos appelants pour pouvoir effectuer des tirs sans danger pour nos leurres, qui nous rendent de si grands services.
Avec toute humilité,
Mario Huot





Faites partie de la famille et devenez membre de la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs.